C’était un week-end de novembre 2008. Un week-end au festival des fleurs d’Amsterdam pour François Ascensio et son épouse. Leur fils était resté à la maison, dans le 15e arrondissement, gardé par sa grand-mère cartomancienne. Mais cette dernière a fait un infarctus mortel, les secours sont intervenus. Et ont découvert, dans une serre, une forêt de plants de cannabis. Une fragrance entêtante qui allait vite déboucher sur une flagrance policière. À leur retour du festival des fleurs, le couple était cueilli.
Patrick Ardid, président de la 7e chambre correctionnelle, dresse l’inventaire : onze pieds en terre et cinq coupés, des systèmes sophistiqués de chauffage et d’éclairage, des tupperware remplis « d’herbe » à ras bord. La moisson policière comportait aussi un lot important d’armes. Un fusil de chasse : « Quelque chose qui a plus de cent ans », selon le prévenu. Un Smith et Wesson dans un tiroir de la table de nuit : « Où j’habite, il y a des problèmes de sécurité »… « Ce n’est pas plutôt pour défendre la petite fabrique de drogue ? » questionne le président. Sa passion – il parle même d’une « fascination » – pour les armes apparaissait tout aussi dévorante que celle pour les fleurs.
François Ascensio n’est pas un trafiquant comme on en voit devant la 7e chambre. Ce passionné de botanique a la main sacrément verte. Sa collection d’orchidées et de plantes carnivores mérite le détour. Aussi n’a-t-il eu aucune peine à élever du cannabis d’une qualité très supérieure, justifiant sa vente à un prix inhabituel sur la place de Marseille : huit euros le gramme, deux fois le prix du marché. L’agriculteur fait amende honorable : « Cela fait une dizaine d’années que je cultive trois plants. Là, j’avais commandé une nouvelle variété sur Internet et j’ai été dépassé ».
Il convient servir une dizaine de clients, des amis « Il m’en a donné beaucoup plus que je n’en ai acheté. Je pense qu’il ne voulait pas faire d’argent sur mon dos », dit l’un. « Je lui faisais des dépannages électriques, il me payait en herbe », assure un autre. Mais le procureur Michel Raffin tique sur les sommes retrouvées dans son coffre et dans celui de sa mère. Au total 120 000 euros. « Depuis dix ans, il en fait son complément de revenus, dans le cadre de sa petite économie clandestine pour compléter sa pension d’invalidité de 900 euros », affirme le magistrat de l’accusation.
Dans un élan de sincérité, le cultivateur confesse qu’une partie provient des stups, mais pas les sommes retrouvées chez sa mère, une cartomancienne à laquelle les clients réglaient la plupart du temps les prédictions en liquide. Elle venait également d’hériter de sa soeur, comme l’acte d’un notaire madrilène l’atteste. « L’État français tente de s’enrichir, c’est du racket. Il y a 120 000 euros, un peu de cannabis alors on pique tout », tonne Me Fabrice Trolliet.
La justice avait saisi la totalité des sommes, y compris les 100 000 euros maternels que François Ascensio présente comme « la recette de voyance » et l’héritage. François Ascensio a été condamné à quatre ans de prison dont deux avec sursis et son épouse à un an de prison avec sursis en dépit de son double aveu : « Je vis depuis 29 ans avec un mari que j’adore et qui fait des choses qu’il ne faut pas faire ».