Source : https://www.laprovence.com/article/faits-divers-justice/6697789/assises-des-bouches-du-rhone-millenium-une-peine-de-20-ans-sans-legitime-defense.html

Le pari était risqué. Il a finalement été perdu par la défense. Mais avait-elle une autre solution ? Manifestement, l’accusé principal, Fayçal Younsi, 33 ans aujourd’hui, n’était pas disposé à venir s’incliner devant la douleur de ses victimes, celles qui lui ont fait face pendant cinq jours de procès devant la cour d’assises des Bouches-du-Rhône. Et les jurés ont finalement suivi la conviction des parties civiles et celle de l’avocat général. Ils n’ont pas retenu la légitime défense et lui ont infligé une peine de 20 ans. Ils ont déclaré Fayçal Younsi coupable d’avoir donné la mort volontairement, le 14 mai 2017, devant la boîte de nuit « Le Millenium », à Hachim Ahamada, 27 ans, et d’avoir tenté de tuer de la même façon son frère de coeur Ibada Ahamada.

D’emblée, Me Nicolas Berthier l’avait soufflé dans sa plaidoirie : « Vous allez rendre la justice au nom d’une société qui refuse que l’on donne impunément la mort à autrui ». Sans cela, ce serait, plaidera-t-il, « la loi de la jungle ». Etait-ce cette même « loi de la jungle » qui était en marche, cette nuit-là, devant la discothèque marseillaise de Luminy pour une « drague » un peu lourde ? Car, pour Me Berthier, Hachim Ahamada, « ce grand nounours » est  » mort pour rien ». « Il n’était pas concerné par l’altercation et il n’a commis aucune violence ». « Tu as poignardé mon fils, mais tu m’as tuée, moi ! », avait lancé la mère de la victime à l’accusé en cours de procès.

« Arrêtez de l’insulter ! »

Aux vifs échanges entre avocats, la partie civile a répondu hier par une supplique : « Arrêtez de l’insulter, arrêtez de dire que nous sommes des voyous des Lauriers, au prétexte qu’on porte le nom d’Ahamada, comme la moitié des Comores ! » Et Me Berthier de remettre les rôles à leur place : « Celui qui a été condamné à neuf reprises, c’est l’accusé. Celui qui a fait la cavale, c’est l’accusé. Ceux qui pratiquent l’omerta des voyous, ce sont les accusés ». Pour lui, point de légitime défense : « En cas de pression, la raison de Fayçal Younsi s’efface derrière ses pulsions ». Me Cyril Lubrano, lui aussi, évoquera « des coups de couteau ciblés », loin d’être portés « au hasard ». L’avocat général Christophe Raffin, grand amateur de citations pour venir nourrir le débat judiciaire, empruntera à Raymond Queneau la fragilité de nos vies : « Une vie ? Un rien l’amène, un rien l’anime, un rien la mine, un rien l’emmène. » Citant Malraux, il estimera que « la vérité, c’estd’abord ce qu’un homme cache ». D’où la « cavale » de Younsi. D’où, selon lui, la démarche du clan : « Il faut sauver le soldat Younsi ! » Il rappellera surtout que, pour qu’il y ait légitime défense, il faut qu’il y ait une « attaque actuelle », mais surtout « une riposte proportionnée », qui soit « le seul moyen de s’en sortir ». Rien de tout cela. Quatre coups de couteau. Puis la fuite en Espagne et en Italie, qui vaut à trois complices présumés de comparaître pour « soustraction de criminel ». 20 ans requis contre Younsi, 2 ans avec sursis à 2 ans ferme contre les trois comparses.

Me Fabrice Trolliet « une histoire bêtement masculine, faite d’amitié, loin du pacte criminel », « Et vous qu’auriez-vous fait ? » interrogera Me Camille Latimier, pour l’un d’eux. Me Philippe Payan y verra un acte d' »amour ». Mes Luc Febbraro et Karim Bouguessa ont regretté qu’on n’ait pas davantage investigué sur le volet légitime défense, en évoquant le mouvement de « foule » qui aurait fait « peur » à leur client, avec « une quinzaine d’individus ». « Ce bougre-là n’est pas le diable que j’aurais imaginé », promettra Me Febbraro. Mais en vain. Deux des complices de Younsi ont écopé de peines d’un an avec sursis probatoire et de deux ans dont un an de sursis probatoire. L’ex-compagne de l’accusé principal a été acquittée.