De l’Amende Civile… Pour Rachid et Dany.
D’un côté une photo prise à la volée, puis recadrée, jusqu’à la postérité politique : Ernesto Guevara, dans sa version guérillero-heroico. Korda, auteur d’une photo, d’une seule, celle là, qui ne transpire d’ailleurs pas la personnalité de son auteur, empreinte propre à lui procurer de l’originalité, en convient lui même : « je n’ai opéré aucun choix en terme de cadrage et d’angle de vue, j’ai appuyé aussitôt sur le déclic, presque par réflexe…/… pas d’une netteté extraordinaire car je n’ai pas eu le temps de faire une bonne mise au point ». Par ailleurs, pour Korda, la reproduction à des milliers d’exemplaires de son image « n’était pas un problème mais plutôt un orgueil de la voir sur la poitrine de tant de jeunes à l’aube du XXIe siècle », ainsi il n’opposait aucune objection à la reproduction de son œuvre si c’était « pour promouvoir les idées du Che ».
De l’autre, Jim, FITZPATRICK, peintre Irlandais et son Irish Che qui, d’une irruption, par une toile faite en réponse aux outrages faits à la dépouille du Che, propulse le terne cliché de Korda au statut d’icône mondiale absolue de la pop culture contestataire. Sans FITZPATRICK et son œuvre autonome, récompensée en 1981, du vivant de Korda, au Salon international de la bande dessinée de San Diego, toujours en vente sur le site de l’artiste entre 2 et 4 000 dollars la reproduction, le cliché de Korda continuerait-il, au mieux, à orner les murs gris de salles de réunion au peintures tristes et écaillées des MJC des anciens fiefs de province du PCF.
Entre les deux le plus grand groupe de supporters de tous les temps : les South Winners. A jamais les Premiers.
Une longue et belle histoire, au stade, comme en-dehors. Là, 35 années à œuvrer pour l’action sociale phocéenne. Tournés vers les autres, 650 m2 de local pour accueillir, quotidiennement, tous leurs abonnés mais aussi les minots qui souhaitent participer à l’animation du groupe ou à celles, sportives et culturelles, qui leur sont aussi proposées ; tous les match plus d’une centaine d’abonnements sont à disposition d’associations et de centres sociaux : ouvrir l’accès du stade aux plus démunis.
Le procès qui leur est fait concerne l’utilisation qu’ils feraient, sur leurs décors, depuis 1987, de l’œuvre que d’aucuns attribuent à Korda : «avoir sans autorisation, reproduit la photographie dénaturée du CHE au béret et à l’étoile ». Pourtant Fitzpatrick et Korda sont contemporains l’un de l’autre. Compte tenu de leurs œuvres respectives il n’ont pu s’ignorer ailleurs que dans les prétoires puisque du vivant du photographe, dans les années 70, Fitzpatrick lui même poursuivait, dans le silence de Korda, ceux qui tentèrent d’utiliser l’Irish Che pour faire la promotion d’une vodka.
Au centre, d’une inextinguible voracité, les héritiers de Korda.
A la louche c’est 300 000 euros de préjudice que leur causerait l’usage de l’Irish Che sur les tee shirt du groupe. En somme, si Korda jugeait convenable que Fitzpatrick défende le droit moral de l’Irish Che en regard de son originalité, ses enfants, en revanche, très freudiens, ne lui en reconnaissent désormais plus aucune. Un acrobatique dévoiement mercantile de l’esprit de Korda : « En tant que partisan des idéaux pour lesquels Che Guevara est mort, je ne suis pas opposé à la reproduction de cette photographie par ceux qui souhaitent perpétuer sa mémoire et la cause de la justice sociale dans le monde ». Utilisée par les South Winners du vivant de Korda entre 1987 et 2001, l’utilisation de ce qui apparaît à certains sous les traits d’une photographie n’appelle aucune revendication judiciaire de la part de Korda.
Informé de ces difficultés juridiques, et d’autres, le Tribunal, mi figue mi raisin, réduit l’ardoise à 10 000 euros.
Au terme du jugement, outre pour les plus malvoyants, son caractère d’œuvre composite, il n’était pas rapporté la preuve que l’œuvre de Fitzpatrick fût libre de droits. La gourmandise commande ici de préciser que l’effort d’en référer à Google, pour s’en convaincre, n’a manifestement pas été réalisé. Intimé défaillant, en cause d’appel, nous apportions la démonstration de l’aveu même de Fitzpatrick, jamais démentie du vivant de Korda, que son œuvre est libre de droit et que, au titre du droit moral, les idéaux des South Winners se confondent avec ceux que médiatise Irish Che. En opportunité, ne nous fallait-il pas encore constater qu’il était pour le moins surprenant que les héritiers n’aient, de mémoire judiciaire, encore jamais poursuivis Fitzpatrick, contrefacteur à hauteur de 4000 dollars la reproduction payable en ligne ou encore, aux ayants droit de Warhol qui, fût un temps, entre deux Marilyn, versât vers le Che.
Si la symbolique du cliché qui présente le portrait du Guerrillero Heroico, aux mains des ayants droit, s’enlise désormais au désespoir de la manifestation d’un phénomène capitaliste, à l’exact opposé de la conception du droit moral que s’en faisait Korda, la photographie a-t-elle pour autant changée de nature ?
Une photographie peut-elle être considérée comme une œuvre picturale ?
La Cour à dit oui, outrée, elle nous a même collé 3000 euros d’amende civile pour le plaisir de l’avoir dérangée. Sauvages gauchistes de supporters !