Source : https://www.laprovence.com/article/faits-divers-justice/6986955/marseille-la-bande-de-faussaires-avait-du-talent-a-revendre.html
Six prévenus jugés pour avoir monté une machine à usurper les identités
Ça grouille, ça gazouille et ça magouille ! » aime à résumer le procureur Ahmed Chafai. On serait tenté d’ajouter : et à l’arrivée, ça fait ouille ! Voilà un dossier qui nous a plongés hier dans l’antre marseillais de la combine, avec ses virtuoses du faux, ses as de l’alias en tout genre et ses maîtres dans l’art de contrefaire les pièces d’identité. Le chef d’orchestre, un nommé Jordache Gnatto, 41 ans, cuisinier à ses heures, a consenti qu’il avait un vilain défaut, une sorte de maladie compulsive, sa fâcheuse propension à fabriquer des faux papiers à partir de vrais qu’il récupérait sur Leboncoin. Sur question du procureur, il a même indiqué qu’il parvenait à effacer, grâce à un bain magique d’eau oxygénée, les noms sur les pièces d’identité, puis à réimprimer des faux par-dessus… Sur précision de son avocat, Me Fabrice Trolliet, il a même prétendu avoir trouvé cela sur internet. Une sorte de « tuto »… Pour le reste, le réseau mis en place a ainsi réussi, entre janvier 2020 et janvier 2022, à fabriquer des fausses pièces qui permettaient d’obtenir des crédits, d’acheter ensuite des voitures pour mieux les revendre, toujours sous de faux noms, souvent à l’insu des personnes dont l’identité était usurpée et qui se retrouvaient du coup dans une belle panade… Avec d’autres commanditaires, domiciliés en Israël, le même Gnatto et deux autres complices créaient des sociétés fictives, puis commettaient des escroqueries et versaient l’argent sur des comptes. Les deux compères, Lauri Amsellem et Frédéric Martinez, n’ont pu hélas fournir d’explications au tribunal. Ils sont, depuis le 24 mars dernier, sous le coup d’un mandat d’arrêt.
L’efficacité de la fine équipe tenait à sa grande mobilité, ainsi que l’a rappelé hier la présidente du tribunal, Julie Delorme, à l’opacité des identités en jeu et à la discrétion des auteurs de ces escroqueries en cascade. Toute bonne chose ayant une fin, deux renseignements anonymes sont parvenus aux chastes oreilles des enquêteurs, à l’hiver 2020. Et l’hiver des escrocs a commencé…
La police a fini par les placer sur écoutes, à sonoriser leurs véhicules. Jordache Gnatto n’a pas contesté qu’il était plutôt spécialisé dans le faux document d’identité. « Vous êtes un faussaire un peu doué, lui a lancé la présidente. Du coup, on vient vous chercher ! »
« Marseille est un village ! »
« Marseille est un petit village ! » a-t-il glissé en réponse, non sans humour. La perquisition diligentée à son domicile a permis de découvrir le parfait attirail du faussaire, mais aussi des faux depuis 2018, et le disque dur de son ordinateur a conduit les policiers dans le Dark net.
Reste le nommé « Thierry », celui qui serait le super-commanditaire de cette équipe d’escrocs. Introuvable. Le procureur Chafai a réclamé hier des peines de 5 à 7 ans ferme contre les six prévenus, avec incarcération à la clé. Un des mis en cause, Vincent Seddio, a disparu entre réquisitoire et délibéré. Il a écopé de 3 ans et d’un mandat d’arrêt. Mandats d’arrêt réactivés aussi contre Martinez et Amsellem, condamnés à 5 et 6 ans. Gnatto a écopé de 4 ans. Les autres prévenus s’en sortent avec 2 ans avec sursis et 30 mois, dont 18 avec sursis. La défense était assurée par Mes Attanasio, Ibanez et Trolliet